Déjà le jour 11 du #31bloggingdays, allez voir So fille, Mel loves travels et la fille de 1973 de ma part.
Ce matin, sur un forum de guitariste j'ai vu repasser cette éternelle question : qui est selon vous le meilleur guitariste vivant (ou mort, selon les variantes). Cette recherche d'un champion est, en matière de musique, complètement dénuée de sens. Peut-être que le meilleur guitariste du monde est un musicien de session œuvrant dans un studio anonyme à l'insu de tous. Meilleur en quoi : en vitesse, en technique, en émotion ?
Historiquement le champion était la personne désignée pour représenter dans un combat une autre personne dans l'incapacité de combattre. L'incapacité de combattre était d'origine diverse : sexe, âge (trop jeune ou trop vieux), maladie ou majesté. Parfois le duel entre deux champions était choisi pour réduire les pertes en décidant la bataille par un affrontement préliminaire. Ces combats étaient précédés d'insultes et de provocations. On retrouve des traces des ces affrontements verbaux dans les haka du rugby ou par les chants de supporter et les hymnes nationaux. Le champion est choisi au travers de tournois et de championnats.
Les élections, dans leur conception moderne sont tout à fait dans la lignée de cette désignation du champion. Le champion est censé concentrer les votes de son camp sur sa personne pour faire face au camp adverse. Malheureusement les critères de sélection du champion s'éloignent de plus de la tâche à accomplir. Un champion de l'image et de la communication pourra se révéler un piètre gestionnaire. Un bon gestionnaire manquera d'éclat pour se faire élire.
On célébrera l'exploit plutôt que la régularité, la vitesse plutôt que l'endurance. Qui a le plus de mérite, le sprinteur le plus rapide du monde ou l'enfant qui marche 2 heures tous les jours pour se rendre à l'école ? Ce n'est pas comparable ? Et si la compétition n'était pas la réponse à tout ?
Quand je regarde mon frère patiemment façonner un couteau au départ d'un bloc de métal, en cherchant la perfection de la forme et du geste, je me dis qu'il ne subsiste guère d'admiration pour la personne effectuant correctement un travail.
L'artisan, exécutant de manière répétée une partition définie avec une résultat dont la qualité échappe à la notion de performance. C'est la dévotion envers le produit final qui prime, Un produit qu'il signe parce qu'il se sent responsable de sa qualité plutôt que pour y apposer son nom.
Les machines ont tué notre perception de la beauté du geste. Pourtant, on peut la retrouver en amont de la machine, dans la création du produit, dans la précision de sa fabrication, même industrielle. Quand ce dernier aspect disparaît, par souci d'économie, les objets et notre monde deviennent jetables. Tandis qu'on nous distrait avec d'autres champions ... d'autres records inutiles.
La gloutonnerie financière impose que tout doit grandir, s'élargir, s'élever. Quand une chose atteint son optimum de qualité, on rognera sur les frais de fabrication, jusqu'à en réduire la qualité.
Pourquoi n'est-il plus envisageable d'avoir une personne faisant bien une chose, dans une quantité donnée correspondant à sa capacité et sa qualité maximum. Vivre sans investir, sans passer sa vie à creuser un trou pour jeter la terre dans le trou creusé par un autre. Se contenter de bien faire, et de faire mieux plutôt que plus, et en recevoir la reconnaissance due.
Et si il n'y avait que des bonheurs fugaces et de grands malheurs dans la quête du champion et dans cette croissance imposée ?